Des anciens aux modernes : La vulgarisation par les revues

La presse culturelle du 18e siècle consacrait parfois des articles aux mathématiques, indique Pierre Crépel. Ainsi les Mémoires de Trévoux, créées en 1701 et considérées comme l'organe des jésuites, très lues, peuvent-elles donner des développements de dix pages avec des formules. Par exemple, il existe en 1728 un article du Père Jean Dumas, missionnaire chez les « sauvages » de l'Illinois, où est expliquée la rectification des courbes.

Puis le début du 19e siècle, détaille Bernard Bru, voit paraître plusieurs dizaines de revues scientifiques qui traitent notamment – ou seulement - des mathématiques, s’adressant à un public cultivé et curieux ou aux savants eux-mêmes.

On citera d’abord le plus connu, le Bulletin général et universel des annonces et nouvelles scientifiques du baron André (d’Audebard) de Férussac, fondé en 1822, et dont quatre tomes paraissent en 1823, en pleine Restauration. Son ambition, d’une grande modernité, est d’ouvrir les sciences à l’ensemble des savants, de les rendre objets vivants, de pallier le manque « d’un lien commun et d’une correspondance active, qui montrerait aux savants des parties les plus reculées l’état de la branche des sciences qu’ils cultivent, ce qu’il reste à faire, et le point d’où ils doivent partir s’ils veulent faire des progrès. », comme il l’écrit en tête de son premier opuscule. « [Le Bulletin] comportait huit sections, la première consacrée aux mathématiques, à l’astronomie, à la physique et à la chimie ; en huit ans, 170 volumes furent publiés. Galois y donne en avril 1830 un texte de deux pages avec des propositions sur la résolubilité des équations par radicaux déduites de la théorie des permutations. » (Jean-Pierre Escofier – IHP-SMF)). Après avoir compté jusqu’à 300 collaborateurs, le Bulletin doit cesser sa diffusion à la fin de l’année 1831 faute de ressources.

Apparu antérieurement, un autre périodique remarquable est le Journal des savants, né sous l’Ancien Régime puisque le premier numéro apparaît en 1665, interrompu sous la Révolution et l’Empire et qui reparaît en 1816 : sous la direction du Garde des sceaux assisté notamment de Cuvier pour les sciences, il est rédigé par des membres de l’Institut. « Il s’en tient pour les sciences à ce qui peut être traité dans le goût français et relever des « connaissances utiles », précise Antoine-Augustin Cournot (1801-1877) dans ses œuvres complètes.

La Revue encyclopédique est fondée en 1819 par l’ancien Jacobin Marc-Antoine Jullien (1775-1848) qui la revendra en 1831 à Hippolyte Carnot. Passionné de pédagogie, Jullien collaborera ultérieurement avec Stéphane Ajasson de Grandsagne (1802-1845), ancien collaborateur de Férussac (et dont on dit pour la petite histoire qu’il fut l’amant de George Sand...). « Sa Revue encyclopédique constitue d’abord une introduction à la critique et à l’apprentissage de toutes les productions de l’esprit humain » (B. Bru et Th. Martin).

D’autres journaux scientifiques comportent des rubriques de critiques et de comptes-rendus, mais ils sont plus spécialisés. C’est le cas des Annales de chimie et de physique, fondées en 1816 par Arago et Gay-Lussac ; ou, moins importants, plus épisodiques, du Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts, des Annales générales des sciences physiques, des Annales des sciences d’observation

Le rôle militant d’Emile Borel, en matière de vulgarisation, est attesté de multiples façons. Ainsi, recevant en 1905 le prix Petit d’Ormay, doté d’une somme d’argent importante pour l’époque, il décide de l’investir dans la fondation d’un nouveau périodique qu’il publie, avec des collègues, dès 1906. Ce sera la Revue du Mois, où les thèmes proposés ont trait aux événements scientifiques du présent. Borel tentera aussi de promouvoir les mathématiques dans l’enseignement, de rédiger des manuels pour nouveaux bacheliers, puis de créer ultérieurement une collection populaire intitulée Bibliothèque d’éducation scientifique. (Sources Google Book).

Dans la seconde moitié du 20e siècle, sans doute au départ sous l’influence des mouvements d’éducation populaire et des pédagogies nouvelles, sont apparus de nombreux périodiques pour la jeunesse. Certains ont d’abord timidement proposé des activités de manipulation scientifique puis se sont peu à peu ouverts des domaines plus abstraits. Une enquête menée sous l’égide de la Bibliothèque nationale de France en atteste. Aujourd’hui, il est (presque) devenu possible de parler des nouvelles médailles Fields dans des magazines pour les adolescents comme d’une actualité importante…