Expositions fixes ou itinérantes

Une exposition doit attirer, séduire, plaire, toucher le visiteur par d’autres moyens que ceux de l’écrit. Même si les mathématiques n’étaient pas forcément attendues dans ce registre de l’émotion, elles y ont leur place et peuvent y apparaître séduisantes. Les expositions à contenu mathématique, parfois préparées avec des artistes plasticiens et utilisant désormais les technologies récentes, s’inscrivent dans une démarche de large popularisation. Installées dans un lieu fixe et dédié ou à caractère itinérant, elles permettent une approche sensible de l’activité et des objets mathématiques.

C’est en 1937, à l’occasion de l’exposition universelle de Paris et de la création du Palais de la découverte sous l’impulsion de Jean Perrin (1870-1942), qu’est inaugurée la première exposition mathématique. Elle est présidée par Émile Borel (1871-1956), dirigée par André Sainte-Lagüe (1882-1950), professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Dans un lieu prévu au départ pour être temporaire, des conférenciers proposent des explications et des démonstrations et le public peut faire fonctionner certains appareils en appuyant sur des boutons. Dès l’ouverture existe la salle où s’enroulent les décimales du nombre Pi. On peut admirer des rubans de Möbius, différentes surfaces, s’amuser avec des problèmes dits récréatifs. L’espace des débuts va perdurer et se développer, grâce notamment à Jean Brette (1946-2017) ainsi qu’à Michel Demazure.

Au cours des années 1970-1980 apparaîtront des expositions temporaires ou itinérantes. Par exemple, Horizons mathématiques, proposée à Orléans puis à Bourges en 1980, plus largement ensuite, par Michel Darche et l’association ADECUM (Association pour le développement de la culture mathématiques), obtient le prix D’Alembert de la Société mathématique de France en 1986.

La création, à partir de 1979, des Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), à Grenoble, puis Lille, Poitiers…, donne une nouvelle impulsion : certains disposent de lieux permanents d’expositions, les autres fonctionnent en centres régionaux de ressources et d’animations, en relation étroite avec les laboratoires de recherche.

Puis vient l’ouverture, le 13 mars 1986, de la Cité des sciences et de l’industrie, et d’un espace mathématique, qui n’était pas prévu initialement, mais qui devient permanent. Pour compléter cette courte énumération de sites dédiés, citons encore la Maison des mathématiques et de l’informatique créée en 2012 à Lyon, sur le campus de l’École normale supérieure sous l’impulsion d’Étienne Ghys et de son premier directeur Vincent Borrelli. Des artistes plasticiens y ont exposé, ces dernières années, contribuant à faire se rencontrer les imaginaires : « Il y a diverses manières de songer aux mathématiques », écrit Pierre Gallais, l’un d’eux. « Il y a aussi la manière dont elles m’inspirent et me conduisent à produire des objets, des fictions. Ces mathématiques sont en quelque sorte la sève qui circule dans l’arbre qui s’édifie et nourrit chacun des fruits ».

À Paris, l’Institut Henri Poincaré conserve une collection mondialement réputée de plus de 600 modèles mathématiques et organise régulièrement des expositions, expositions-conférences, en lien avec l’actualité scientifique. Sous l’impulsion de Cédric Villani, l’IHP évoluera d’ici 2020 vers une Maison des mathématiques et de la physique théorique ouverte à de nouvelles missions. Afin de promouvoir et de diffuser les mathématiques et leurs interactions, elle offrira un espace de médiation ambitieux, voué à devenir une référence internationale en matière de musées dédiées aux mathématiques.

La Maison des mathématiques
S’inspirant notamment de l’expérience de la MMI, une surface de 600m2 sera dédiée à des expositions interactives et des animations. Celles-ci s’adresseront aux scolaires, aux enseignants, et à tous les curieux désireux de découvrir le vaste univers des mathématiques, leur histoire et ce qu’elles représentent au XXIème siècle. L’ambition est de présenter concepts abstraits et applications en réalité mixte, tout en interrogeant la démarche scientifique au travers de portraits de chercheurs, de lieux patrimoniaux comme le bureau de Jean Perrin, et de documentaires. Les visiteurs seront également invités à rêver autour de phénomènes fascinants attachés aux mathématiques et à leurs interactions avec la physique, l’informatique, la biologie …

En dehors des espaces permanents, les expositions itinérantes se sont multipliées. Proposant des photos, des affiches, éventuellement des « malles découverte » ou encore des documentaires, certaines d’entre elles utilisent un matériel plus léger. Les thématiques portent sur un sujet donné (fractals, chaos…), sur un mathématicien célèbre (Poincaré, Turing, Schwartz, Shannon…), sur l’ouverture interdisciplinaire, les jeux mathématiques…

L’une de ces expositions itinérantes, Pourquoi les mathématiques ?, qui a circulé à l’étranger sous le nom de Experiencing Mathematics a rencontré un succès considérable. Réalisée à l’initiative de l’Unesco, par Centre•Sciences (CCSTI de la région Centre-Val de Loire) avec la Tokai University (Japon) et l’Ateneo de Manille University (Philippines),  elle traite de neuf thèmes présentés de façon ludique et esthétique. Un livret de présentation et d’explication accompagne le visiteur. Plus de deux millions de personnes l’ont visitée depuis son lancement en 2004.

L’année 2013 a été élue par l’Unesco comme celle des Mathématiques de la planète Terre (MPT 2013). A cette occasion  Centre•Sciences a conçu une exposition interactive du même nom qui a été présentée lors d’une journée spéciale à l’Unesco en 2013, avant de parcourir le monde.

Enfin existent les expositions temporaires, ou éphémères. Une grande réussite a salué l’initiative de la Fondation Cartier (Paris 14e) en 2011-2012 : Mathématiques, un dépaysement soudain, utilisant en particulier le multimédia. « Ensemble, [mathématiciens et artistes] ont été les artisans, les découvreurs, les penseurs, les constructeurs de cette exposition ».

L’avancée des technologies a renouvelé la conception de l’interactivité. Les physiciens avaient inventé le concept, repris par les autres scientifiques, d’expériences « de coin de table », consistant en des manipulations concrètes permettant d’observer, d’émettre des hypothèses, de raisonner. Désormais on pourra parler d’expériences « de coin d’écran » ? Plusieurs expositions virtuelles sont même apparues, parmi lesquelles Experiencingmaths.org qui prolonge  Pourquoi les mathématiques ?  ou Holo-Math, projet original initié par Cédric Villani qui utilise la technologie HoloLens pour proposer des expériences de science augmentée à forte dimension mathématique.

La diversité de ces offres suscite l’émerveillement, la curiosité, le questionnement. Elle devrait contribuer à faire naître et perdurer chez les visiteurs de tous âges l’intérêt pour un domaine de recherche vivant et riche de ressources.